Nouvelles

A l'ère du numérique, les frontières sont obsolètes

Oumie Yansané

Oumie Yansané

Co-Fondatrice

Oumie Yansané, co-fondatrice de FATA et Kabinet Fofana, Directeur du digital, de la Communication et des Sondages chez Fréquence Info Médias - FIM FM.

Crédit photos Alseny Diallo

Quel plaisir d’avoir été invitée vendredi dernier à l’émission Pays de Cocagne pour parler de deux sujets qui me tiennent à coeur : d’une part le projet FATA dédié à la réussite professionnelle et sociale de jeunes africaines et africains ; et la question des migrations d’autre part, qui fait écho à ma propre histoire. L’émission de FIM FM, qui a pour objectif d’avoir un discours alternatif et positif sur les migrations était un espace idéal pour cela (rediffusion vendredi 19 mai à 20h).

Lorsqu’il s’agit de venir du Sud vers le Nord avec un projet de vie comme étudier, travailler ou rejoindre sa famille, on parle d’immigration. Ce qui fait penser aux drames humains lors des traversées de la Méditerranée ou à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, là où des désespoirs individuels font face à des murs d’indifférence procédurière.

Lorsque des Occidentaux obtiennent sans trop de difficultés un visa pour le Sud, c’est le terme expatriation qui est choisi avec ce qu’il véhicule d’expériences positives : aller à la rencontre d’autres cultures, « offrir » ses compétences et enrichir le pays qui accueille.

Un « repat » est un Guinéen qui a vécu en Europe ou en Amérique du Nord où il a supposément « réussi » et qui décide de lui-même de revenir s’investir au pays, ce pour quoi il est félicité, approuvé, encensé. Si ça se passe mal, il peut retourner en France ou ailleurs, car le plus souvent il bénéficie de la double nationalité.

Un « retourné », c’est quelqu’un qui a « échoué » à l’étranger, et qui a été forcé de rentrer en Guinée, car il était « sans papier ». Il a parfois été rapatrié manu militari, et le plus souvent, il est humilié, stigmatisé, traumatisé. C’est un retour définitif au point zéro.

Il n’est pas facile de quitter ses habitudes parisiennes pour revenir au « bled », choix que j’ai fait 40 ans après avoir quitté Conakry dans mon enfance. Ce choix m’était possible, parce que j’ai eu la chance d’avoir un parent guinéen, et un parent français, tandis que mes cousins et cousines, pour la plupart, sont restés en Guinée.

Il serait indécent de ma part de penser pouvoir me mettre à leur place, de comprendre ce que cela fait sur le mental et le développement personnel, de ne pas pouvoir voyager, de ne pas pouvoir envisager de se former à l’étranger ou tout simplement faire du tourisme pour s’ouvrir l’esprit.

Il serait prétentieux de ma part de croire que parce que je fais partie de la diaspora, j’aurai des solutions toutes faites grâce à de bonnes études en France pour « aider » la Guinée à se « développer » alors que cela fait si longtemps que je n’ai pas été confrontée aux difficultés du quotidien à Conakry.

J’ai eu la chance extraordinaire d’aller dans plusieurs pays du monde grâce à mon passeport français : Angleterre, Allemagne, Pays-Bas, Rwanda, Haïti, Soudan, Ethiopie, Ouganda, Côte d’Ivoire, Libéria, Pérou, Canada, Etats-Unis, Mali, Mauritanie, Sénégal, Irlande… Je ne suis pas revenue en Guinée pour faire montre d’une quelconque supériorité. Les jeunes en Guinée ont des talents dont l’Occident se prive inutilement, à son propre détriment.

Ma responsabilité est de faire comprendre au reste du monde qu’il est absurde de ne pas encourager la jeunesse africaine à voyager, à compléter sa formation à l’extérieur, et à apporter ses compétences et son énergie dans un monde connecté. En tant que métisse, j’ai toujours pensé que les frontières n’avaient pas de sens mais depuis que nous sommes à l’ère du numérique et que nous avons découvert le télétravail, l’attitude peureuse de l’Occident m’apparaît d’autant plus dommageable pour l’humanité dans son entièreté.

Je félicite les « repats » qui décident de s’investir pour contribuer à l’intégration de la Guinée à l’international, aussi difficile soit la réadaptation. Notre devoir est de rester humble et de réapprendre.

J’encourage les « retournés » à valoriser l’expérience même si elle a été douloureuse car forcément, aller à la rencontre d’autres cultures enrichit le raisonnement et la faculté d’adaptation.

N’entretenons pas le mythe d’un bonheur occidental alors qu’il y a tant d’opportunités en Afrique berceau de l’humanité, et vivier de talents méconnus et mal reconnus. Brisons les tabous, osons la complexité et la mixité, ignorons la perpétuation d’un ordre colonial d’un autre temps, agissons utilement.

Aujourd’hui il est possible de se former à distance, de travailler ensemble, où que l’on soit dans le monde. Le changement va aller beaucoup plus vite qu’on ne peut l’anticiper avec l’économie numérique.

C’est pourquoi, au sein de l’association FATA, j’espère inciter les jeunes :


Témoignage de Oumie Yansané, co-fondatrice de l’association FATA, suite à l’émission « Pays de Cocagne » sur le thème des migrations sur FIM FM, vendredi 12 mai, interviewée par Kabinet Fofana, Directeur du digital, de la Communication et des Sondages chez Fréquence Info Médias - FIM

Pour réécouter l’émission : télécharger l’application FIM Guinée sur Playstore ou Apple Store. Vous pouvez aussi écouter la radio sur www.fimguinee.com ou sur 95.3 MHz, elle sera rediffusée ce vendredi 19 mai à 20h.

Nous publions régulièrement des articles pour faire part à nos adhérents et partenaires des progrès et de l'impact du projet FATA. Voir tous les articles